Crasville-la-Rocquefort
Petit village rural du Pays de Caux, Crasville occupe une position stratégique sur un mamelon qui commande la source du Dun à la limite du Talou et du Grand Caux (1), sur la route de Rouen à Veules-les-Roses.
Les villes voisines du village sont Gruchet-Saint-Siméon, Autigny, Brametot, Vénestanville, Greuville. La grande ville la plus proche est Dieppe à 19 kms au Nord-Est.
Hydrographie
Le Dun prend sa source sur le territoire de la commune et se jette dans la Manche à Saint-Aubin-sur-Mer après un parcours de 12,8 kms. Le cours d'eau est resté à sec de nombreuses années, ne se remplissant que lors des fortes pluies, mais depuis l'hiver 1999-2000, il s'est remis à couler sans discontinuer. Le régime du Dun peut être considéré de type torrentiel, avec risque de crues fréquentes, car la tête du bassin versant est soumise à de brusques arrivées d'eaux pluviales provenant de quatre vallées sèches situées en amont voire d'autres de moindre importance suivant le cours du fleuve entre Saint-Pierre-le-Viger et l'embouchure.
Une légende raconte qu'un sire de Crasville-la-Rocquefort veut acheter un moulin à Fontaine-le-Dun mais le propriétaire refuse de lui vendre. Le seigneur pour se venger utilise des balles de laine afin de boucher les sources du Dun. Depuis l'eau ne coule quasiment plus sur Fontaine-le-Dun sauf lors des fortes pluies.
Toponymie
Rocquefort ou Roque Forte = maison forte, Crasville ou cras = grand, important, et villa = domaine rural.
Le nom de la localité est attesté sous les formes Apud Crasvillam en 1132 ; Ecclesie Sancti Martini de Crasvilla en 1147 ; Crasvilla en 1198 ; Cravilla et Rochefort en 1210 ; Ecclesia de Crassa Villa en 1240 ; Monachus de Crasvilla en 1266 ; Prior de Crasvilla et Crasville en 1337 ; Crasville la Roquefort entre 1319 et 1398, entre 1403 et 1422, en 1406, 1431, 1461 ; Saint Martin de Crasville en 1552 et 1554 ; Craville en 1516 ; Prioratus de Crasvilla Roqueforti en 1588 ; Craville la Roquefort entre 1711 et 1768 ; Saint Martin de Crasville la Roquefort en 1738 ; Crasville la Roquefort en 1715 ; Craville la Roquefort en 1757 ; Crasville-la-Roquefort en 1953.
Histoire
Elle est liée aux évolutions et révolutions de l'Histoire de la région.
Les seigneurs et gens de la noblesse
En 1200, la terre de Crasville appartient à Guérin de Glapion (+1216), sénéchal de Normandie qui, après avoir joui de la faveur du roi d'Angleterre Jean dit Sans Terre (1166/1216), abandonne son Parti pour celui du roi de France Philippe II dit Auguste (1165/1223).
Le fief appartient ensuite au comte Guillaume Ier de Varenne (+1088) compagnon de mon ancêtre Guillaume dit Le Conquérant (1024/1087, portrait de droite) dans sa conquête de l'Angleterre en 1066, important baron anglo normand, un des hommes les plus riches d'Angleterre nouvellement conquise, ancêtre des Familles Warren d'Angleterre, d'Irlande et d'Ecosse, fondateur d'une dynastie qui domine le comté de Surry jusqu'en 1347.
Jehan de Sainte-Beuve est seigneur de Crasville ; puis ses deux fils Robert (+1415) et Laurent (1370/1415) de Sainte-Beuve, tous deux tués à la bataille d’Azincourt sous la bannière du roi de France Charles VI dit Le Fol (1368/1422). La terre est confisquée par le vainqueur, le roi d’Angleterre Henri V (1386/1422), qui la remet à un chevalier anglais, Roger Penys.
Après l’expulsion des Anglais, en 1464, la terre est rendue aux descendants de la Famille de Sainte-Beuve.
Dès les premières années du XVIème siècle, la seigneurie passe à la Famille de Rocquigny qui la conserve jusqu’en 1876 : Jean de Rocquigny, né en 1501, époux de Robinette Le Charron ; Jean de Rocquigny né en 1519 époux de Guillemette Mignot ; Claude de Rocquigny né en 1535, écuyer, époux de Marguerite Le Roux ; Jacques de Roquigny (1558/1610) décédé à Crasville, époux d'Isabeau Le Carpentier ; Charles de Rocquigny (1610/1670), époux de Suzanne de Limoges et Anne Jubert ; Emery de Rocquigny (1634/1708) décédé à Crasville, époux de Françoise Marie d'Auber de Daubeuf ; François Charles de Rocquigny (1670/1748) décédé à Crasville, époux de Anne Cécile Le Seigneur ; Louis Emery de Rocquigny né en 1688 à Crasville ; François Emery Louis né en 1701 à Crasville…
La terre de Crasville est achetée aux héritiers de la Famille en 1876 par le vicomte Louis Philogène de Montfort (1840/1911, portrait de gauche), époux de Marie Alice Bathilde de Martel de Janville, sénateur de la Seine Inférieure et maire de Crasville où il décède en son château.
Patrimoine
L’église Saint Martin
Les seigneurs de Crasville fondent un prieuré qu’ils donnent à l’abbaye de Thiron (Eure et Loir) en 1126.
La chapelle Nord, qui jouxte le chœur, est la chapelle du prieuré d'origine construite au XIIIème siècle, une petite porte la fait communiquer directement avec la maison des moines. Le porche Sud est construit au XVIème siècle. Le mur Sud de la nef est reconstruit au XVIème siècle. La tour-clocher, construite au XVIIème siècle, est décorée d’un cadran solaire, et supporte une flèche fine et élancée. Le mur Nord de la nef est construit dans la seconde moitié du XVIIIème siècle après la démolition du collatéral Nord vers 1766. Le chœur date du XVIIIème siècle. La façade Nord en briques et grès est restaurée au XVIIIème siècle. L’église est très remaniée au XIXème siècle.
Le logement des moines au Nord de l’édifice, est restauré récemment. La cour qui prolonge cette demeure s’est appelée longtemps Pâturage de la Prieuré.
La façade Sud est agrémentée d’un joli petit porche dont la base est en grès. La charpente présente un pignon bordeaux inscrit à l’inventaire des Monuments Historiques. L’autel majeur est en bois peint et doré du XVIIIème siècle. Les autels latéraux sont dédiés, l’un à Notre-Dame (statue d’une Vierge à l’Enfant du XIVème siècle en bois peint et doré), l’autre à Saint Nicolas.
Dans la chapelle collatérale, deux pierres tombales sont fixées au mur. L’une du XIIIème siècle, porte la mention lchi Gist Pierre Jourdain, prestre, jadis prieur d’ichiste, prieur à l’époque du roi Louis IX dit Saint Louis (1214/1270) et de l'évèque Eudes Rigaud (1210/1275). L’autre est du XVIème siècle Icy gist religieux et frère Jacques-Agnès Gattel … canon et prieur de céans … faire ceste chapelle, les travées….. ,prieur qui travaille à la réfection de l’église et de la chapelle. Dans cette chapelle se trouve une magnifique Charité de Saint Martin du XVIème siècle en pierre polychromée. Des toiles peintes du XIXème siècle la décorent.
Dans le cimetière
Un calvaire en grès de la première moitié du XVIIème siècle et une croix en fer refaite au XIXème siècle dont le socle comporte un blason et en haut du fût, l’inscription O Crux Ave.
Le château
Il est bâti sur la motte féodale au XIème ou XIIème siècle. La motte, presque parfaitement circulaire s’élève à 2,80 m au-dessus du fossé qui l’entoure. Au-delà du fossé, une enceinte à peu près concentrique est encore très visible. Des études archéologiques permettent d’imaginer cette motte féodale surmontée d’une tour de bois et entourée de palissades et de pieux. La partie la plus large de l’enceinte constitue la basse cour (habitat des soldats et refuge des paysans). Telle qu’elle est conservée, la motte de Crasville constitue une intéressante réserve archéologique.
Le logis, ainsi que deux pavillons, sont reconstruits un peu plus à l’Est par Jacques de Roquigny. Une inscription au-dessus de linteau de la porte mentionne la date de 1602 …
Comme les pavillons d’entrée, le logis, abrité par une haute toiture d’ardoise, est édifié sur un soubassement de grès.
La disposition est semblable sur les deux façades : un avant-corps central (escalier) en légère saillie, couronné par un fronton curviligne avec oculus sur le jardin, de tracé triangulaire coupé par une grande lucarne sur la cour ; de part et d’autre, une travée de grandes fenêtres surmontée, du côté de la cour, d’une importante lucarne a grand tympan triangulaire et petite ouverture en plein cintre. Les fenêtres intercalées entres ces travées et l’avant-corps central sont de facture beaucoup plus simple et doivent résulter de modifications ultérieures.
Les deux façades diffèrent cependant à leurs extrémités. Sur la cour d’honneur, le corps de logis est flanqué, de chaque côté en avancée, d’un pavillon de plan carré à toiture en hache. Par contre, sur le jardin, d’élégantes tourelles latérales cylindriques, coiffées en poivrière très élancées, reposent en encorbellement sur un haut soubassement de plan carré.
Les deux tourelles portent à leur base un bandeau en dents d’engrenage. Au-dessous de la corniche, un troisième bandeau s’inscrit tout au long des différentes façades du château : quatre rangées de briques de profil semi-elliptique, placées en opposition deux à deux, y dessinent deux chaînes superposées.
Les façades et les toitures du château, à l'exclusion de l'aile du XIXème siècle, les deux pavillons d'entrée et le colombier sont inscrits aux Monuments Historiques en 1978.
Personnage lié à la commune
François Raoul Billon dit Fred Money, 1882/1956, peintre, illustrateur et affichiste français, possédait une maison et un atelier d'été à Crasville-la-Rocquefort où il venait souvent.
Il illustre des œuvres de La Fontaine, Alphonse Daudet, Alexandre Dumas, Gustave Flaubert, Pierre Loti, Pierre Louÿs, La Varende. Il se fait connaître en France par des séries d’affiches touristiques en faveur des grandes plages de la côte atlantique, commandées par les Chemins de Fer Français, les Offices de Tourisme et l’Exposition Universelle de 1937. Il produit également des cartes postales illustrant différentes régions.
Il peint des scènes de genre, des portraits, des fleurs ou des paysages. Ami d'Auguste Renoir et de Pierre Eugène Montézin, son œuvre se situe dans le sillage du postimpressionnisme. Plusieurs de ses tableaux représentent la région (ci-dessous : Chaumière, et Fête foraine).
Evolution de la population
Hameaux, faubourgs, quartiers, lieux dits et écarts
Le Bas de Crasville, le Bourbon.
Nos ancêtres de Crasville-la-Rocquefort …
Carte de Cassini
Notes :
(1) Le Talou : ancienne région littorale de Normandie, à la limite de la Picardie qui recouvre partiellement le Petit Caux et le Pays de Bray.
Il apparaît à l'époque mérovingienne sous la forme d'un pagus = pays en latin, unité territoriale gallo-romaine inférieure à celle de la civitas puis, à l'époque médiévale, subdivision territoriale souvent intégrée dans un comté. L'ouverture maritime qu'offre ce territoire intéresse alors les monastères qui y possèdent des pêcheries et des salines. Compris entre Vimeu et Pays de Caux, il semble s'être agrandi à l'époque carolingienne aux dépens de ce dernier.
Lorsqu'en 911, mon ancêtre le chef viking Rollon (860/932) reçoit de mon autre ancêtre le roi des Francs Charles III dit le Simple (879/929) des terres de part et d'autre de la Basse-Seine, il semble que le Talou fasse partie de cette concession.
Vers 1037, le Talou est érigé en comté au profit de Guillaume d'Arques (1026/1054), fils de mon ancêtre le duc de Normandie Richard II dit l'Irrascible (972/1024), et oncle de mon autre ancêtre Guillaume dit le Conquérant (1024/1087). Le comté d'Arques/Talou disparaît ensuite. Guillaume d'Arques est le premier et l'unique comte de ce territoire.
Sources
Sites et photo : Wikipedia, Communauté de Communes Entre Mer et Lin, Base Mérimée, Seine 76.
Date de dernière mise à jour : 27/10/2021