Histoire de la carte postale
Définition
La carte postale est un imprimé
sur un support semi-rigide destiné à un usage postal
pour une correspondance brève à découvert.
Ce banal petit morceau de carton que tout le monde a un jour ou l'autre envoyé ou reçu est un formidable outil de communication, de convivialité, de recherche scientifique ou d'expression artistique.
La carte postale est l'objet qui dispose du plus grand nombre de points de vente dans le monde.
Avant la carte postale
Il est bien sûr possible de faire remonter l'envoi de messages à découvert à des époques très anciennes, des tablettes d'argile en Assyrie du IVème millénaire avant notre ère aux billets de visite écrits sur des cartes à jouer sous Louis XIII.
Les origines de la carte postale remontent à la seconde moitié du XIXème siècle, ce sont des cartes commerciales en papier glacé, d'où leur nom de cartes porcelaines, qui peuvent circuler à découvert car l'administration des postes l'admet depuis 1856. Les négociants font ainsi imprimer des textes publicitaires ou réclames qui ne contiennent aucun message personnel.
Le concept officiel de la carte postale n'est pas encore né.
Naissance de la carte postale officielle
C'est un conseiller d'Etat prussien, Heinrich Von Stephan (portrait ci-contre), qui propose, lors de la 5ème conférence de l'Association allemande des postes de 1865 à Karlsruhe, un feuillet cartonné de correspondance devant circuler à découvert. Mais l'idée n'est pas retenue.
Le 28 janvier1869, Emmanuel Hermann 1838/1902, professeur d'économie politique à Vienne, reprend l'idée et utilise pour la première fois le terme de carte de correspondance.
En France
L'administration des Postes regarde avec bienveillance cette carte officielle, mais ne propose pas de faire de même en France.
Après 1870, la France n'est pas au mieux de ses relations avec le monde germanique aussi va t-elle essayer de forger de toute pièce des inventeurs français antérieurs aux germains.
Un article du Petit Journal du 6 septembre 1902 sur Léon Besnardeau 1829/1914 (ci-dessous), modeste libraire-papetier de Sillé-le-Guillaume (Sarthe), va faire de lui l'inventeur de la carte postale illustrée. Il aurait eut la bonne idée de créer une carte postale pour que les soldats du camp de Conlie puissent communiquer avec leurs familles. La mention Souvenir de la Défense Nationale sur cette carte laisse supposer qu’elle a été réalisée après la guerre de 1870, comme souvenir pour les soldats venus en pèlerinage au Camp de Conlie.
La carte de Strasbourg
En 1870, la Société de secours aux blessés militaires des armées de terre et de mer émet une carte pour permettre la communication entre les comités locaux de cette Société.
A cette époque, la ville de Strasbourg est assiégée par l'armée de Von Werder et refuse de se rendre. Le comité de Strasbourg de la Société de secours aux blessés, qui possède un stock de ces nouvelles cartes, propose au général prussien de laisser les blessés communiquer avec leur famille et les assiégés. Le général accepte à condition que les cartes soient affranchies d'un timbre prussien de 6 Kreuzer. Ce courrier va d'abord se faire censurer à Karlsruhe puis transite par Bâle.
Les premières cartes postales à circuler en France sont donc transmises par deux administrations étrangères : allemande et suisse et sont affranchies avec un timbre prussien.
Bien que très utilisées par les Strasbourgeois, il ne subsiste que peu de ces cartes. Après la capitulation, on en retrouve des sacs postaux entiers, qui sont malheureusement brûlés.
Les cartes Papillon de Metz et les Cartes-poste de Paris
Elles naissent également pendant la guerre de 1870. Elles sont laissées aux caprices des vents par l'intermédiaire de ballons non montés alors que d'autres sont confiées aux flots de rivières dans des tonneaux étanches.
Les cartes postales officielles françaises
Le 12 février 1872, une loi qui instaure la circulation de la carte postale administrative pour la France et l'Algérie est votée. Le 15 janvier 1873, les 2 premiers modèles paraissent :
- Une, de couleur jaune, affranchie à 10 centimes, pouvant circuler à découvert dans la circonscription d'un même bureau.
- Une autre affranchie à 15 centimes pouvant circuler de bureau à bureau (7 millions d'exemplaires sont vendus en une semaine).
La seule illustration que comportaient ces cartes était une frise de 4mm d'épaisseur encadrant la partie réservée à l'adresse du destinataire.
Quatre autres types de cartes postales officielles voient le jour en 1873, deux autres en 1874 et deux encore en 1875.
Les cartes publicitaires
Jusqu'en 1875, la carte postale reste un monopole de l' Administration des Postes, mais les commerçants s'en saisissent en y imprimant des publicités au dos. C'est le cas pour la Belle Jardinière à Paris dès 1873.
Un décret du 26 Octobre 1875 codifie l'utilisation des cartes postales, mais en libéralise la production pour peu qu'elles respectent le modèle administratif : 12 cm x 8 cm, poids entre 2 et 5 grammes, avec au recto uniquement l'adresse du destinataire et au verso la correspondance et l'illustration.
La Libonis
Elle est lancée en 1889, du nom du dessinateur Léon Charles Libonis 1841/1901 qui l'exécute. La Société de la Tour Eiffel en édite 300 000 exemplaires lors de l'Exposition Universelle. Cinq modèles différents sont vendus à partir du mois d'août 1889. Ces cartes souvenir de l'ascension de la Tour Eiffel, peuvent être timbrées de la première plate-forme, de la seconde ou du sommet de la Tour. C'est donc la gravure qui illustre la première carte postale.
La carte illustrée photographique
En août 1891, un employé de commerce marseillais Dominique Piazza 1860/1941 trouve la solution de réduire des clichés pour en faire tenir trois sur un format de carte postale qu’il adresse à découvert à un ami en Amérique.
Son initiative est reprise dans les années qui suivent par des imprimeurs et des éditeurs de renom comme Neurdein de Paris ou Royer de Nancy. La carte postale prend alors une autre dimension avec une illustration photographique.
Un véritable succès populaire
L'impulsion de l'Administration
L'idée des législateurs en créant la carte postale est de faire circuler une correspondance ouverte à un tarif d'affranchissement attractif. C’est le cas de 1873 à 1971. Pendant près d'un siècle la carte postale profite d'un tarif inférieur au courrier ordinaire.
Cet engouement pour les cartes postales est d'autant plus fort que l'alphabétisation est en progression.
Peu d'iconographie
A la fin du XIXème siècle, les images sont encore rares, hormis les images pieuses, seules quelques affiches et gravures dans les livres et les journaux sont à la disposition du grand public. Le cinématographe vient seulement d'être inventé (1895) et n'est encore qu'une curiosité. Les cartes illustrées (photographiques surtout) dont le coût est modeste vont connaître un grand succès.
De nombreuses cartes postales vont circuler et enrichir les collections des premiers cartophiles.
Naissance du tourisme
Le tourisme se développe et les gens envoient des cartes postales des lieux qu'ils visitent.
La carte postale favorise à son tour le tourisme en tant que vecteur de publicité " l'invention de la carte postale a plus fait pour le tourisme que celle des chemins de fer." (Georges Duhamel).
Techniques
1895 - La phototypie
Inventée dans les années 1860, la phototypie est appliquée massivement à la carte postale vers 1895 et jusque dans les années 1925, où elle est remplacée par l’impression offset.
Ce procédé d'impression à l'encre grasse au moyen de gélatine bichromatée et insolée sur plaque de verre, permet un rendu continu non tramé. Plus souple et moins onéreux que les procédés utilisés jusqu'alors, il permet une industrialisation de la production, tout en lui laissant son caractère artisanal. L'image est de très bonne qualité. La carte obtenue n'est pas brillante mais mate.
1923 - L’héliogravure
Procédé d'impression en creux par lequel l'encre est transférée directement du cylindre en cuivre gravé vers le support. Le cylindre est gravé mécaniquement, à l'aide d'un diamant ou au laser. La taille et/ou la profondeur des creux détermine une trame plus ou moins dense et donc une intensité de couleur plus ou moins importante. L'encre doit être très liquide, afin de pouvoir rentrer dans les creux du cylindre.
Ce procédé découvert en 1875 mais appliqué à la carte postale seulement après 1918 se généralise à partir de 1923. Il est plus rapide et moins onéreux et remplace peu à peu la phototypie.
L'héliogravure bien utilisée donne de très bons résultats. Hélas, les imprimeurs négligent la qualité et pendant une vingtaine d'années, la carte postale devient laide et triste. On lui donne des teintes à la mode : sépia, bleue, verte ou violette qui vieillissent mal. Le plus souvent il s’agit de retirages et les vues ne se renouvellent pas beaucoup.
1950 - Le bromure
Dans les années 1950 vient l'époque des cartes brillantes à bord dentelé au format agrandi de 10,5 x 15 cm. Le système utilisé alors est un procédé photographique appelé : le bromure.
Le bromure qui a déjà été utilisé de manière artisanale au début du siècle pour les cartes photo à très faible tirage l'est maintenant à l'échelle industrielle.
Les vues aériennes sont alors très prisées et l'éditeur Combier de Mâcon s'en fait une spécialité.
A cette époque, les modèles automobiles et les modes vestimentaires changent vite. Pour que les cartes postales ne se démodent pas trop sur les présentoirs et puissent se vendre plusieurs années, on évite personnages et voitures sur les clichés. Cette tendance à pour conséquence de rendre moins vivantes les vues de villes et villages.
1960 - L’offset
Inventée en 1904, cette technique n’est appliquée massivement à la carte postale que dans les années 1960-1970. Ce procédé est dérivé de la lithographie dont il emprunte le principe. Le support n'est plus une pierre mais une plaque de zinc puis, plus tard, une plaque d'aluminium. Ces plaques photogravées sont obtenues par insolation sous un film appelé typon qui peut-être tramé ou non. L'impression ne se fait pas par contact direct du papier sur la plaque encrée mais par un cylindre intermédiaire. Fortement agrandie la photo en offset laisse apparaître une trame formée de points de couleurs juxtaposés.
Les éditeurs
Au début du XXème siècle, le succès de la carte postale est tel que l’on dénombre des dizaines de milliers d’éditeurs de cartes postales.
A Nancy, en juin 1898, Bergeret (AB &C°) installe son premier atelier de phototypie.
En 1900, 65 ouvriers y travaillent sur 17 presses qui produisent 25 millions de cartes postales, en 1901 30 millions de cartes, en 1905 Bergeret fusionne avec Humblot et Helminger, les Imprimeries Réunies produisent alors 90 millions de cartes annuellement, en 1909 la production annuelle nancéienne atteint 100 millions soit presque le quart de la production nationale.
Les Imprimeries Réunies impriment à elle seule 500 000 cartes postales par jour.
De 1900 à 1930, la production des seules imprimeries de Nancy atteint 3 milliards de cartes.
A Saint-Brieuc, Emile Hamonic et fils, cité comme un des 6 premiers éditeurs français en 1904 avec une production globale estimée entre 50 et 100 millions de cartes.
Armand Waron et fils s’installent en 1898. La production en 1899 est de 16 000 cartes, en 1900 de 190 000 cartes et en 1901 de 475 000 cartes.
A Quimper, Joseph-Marie Villard père et fils, installé depuis 1898, a produit plus de 7000 numéros de cartes connus.
Citons encore : A Paris, Lévy et fils (LL), Le Deley (ELD), Neurdein (ND. A Limoges, Tesson (MTIL). A Cognac, Collas (CCCC). A Nantes, Gabriel Artaud et fils, et Artaud-Nozais (Gaby) éditent de nombreuses cartes humoristiques et de vues de toute la France avec prédilection pour la Bretagne.
A cette époque le moindre épicier, buraliste ou mercier de village édite également des cartes postales. Les gros imprimeurs les flattent en faisant figurer la mention éditeur sur les cartes qu'on leur demande d'imprimer. Ces petits éditeurs locaux réagissent vite lors d'un événement (fête, accident…) et sortent rapidement une carte postale dont le faible tirage et la rareté du sujet en font une carte d'un grand intérêt, et par conséquent de grande valeur marchande par la suite.
Le déclin
Après la première guerre mondiale, la carte postale entre dans une phase de déclin. Les causes sont très certainement multiples ; en voici quelques unes :
- La photographie se développe dans la presse et les cartes postales événementielles perdent leur intérêt informatif.
La revue l'Illustration créée en 1843 introduit pour la première fois en 1891 des photographies retouchées gravées sur bois.
L'Excelsior est le premier quotidien à utiliser la photographie en 1910.
Paris-Soir, pratiquement dès sa création en 1924, se distingue par ses illustrations photographiques.
- Les appareils photographiques plus maniables apparaissent également à la fin de la guerre et sont à un prix abordable.
- La T.S.F. (radio). Les premières radiodiffusions publiques ont lieu en 1921. Les nouvelles circulant plus vite, la carte postale perd un peu plus sont rôle informatif.
Le renouveau
Depuis les années 1970, un renouveau s'amorce avec de nouvelles images. Les cartes multi-vues, les cartes humoristiques, les cartes de fêtes, d'anniversaires, de mariages, les reproductions de tableaux ou d'affiches, toutes ces initiatives revivifient la carte postale.
Mais c'est surtout dans le soin qu'apportent les éditeurs que l'on doit ce regain d'intérêt pour la carte postale contemporaine.
Carto
Créée en 1985 par Yvon Kervinio, cette association de photographes, illustrateurs et amateurs de cartes postales a voulu retrouver l'esprit de l'édition des cartes postales du début du siècle. Elle s'attache, entre autres, à publier des photographies de personnages locaux dans leurs comportements quotidiens (métiers, coutumes, environnement... ). Ces cartes postales à faibles tirages (150 à 300 exemplaires), qu'on appelle modernes actuellement, conservent des traces de la vie des terroirs pour la mémoire des générations futures. 3000 cartes ont été ainsi publiées en dix ans.
Analyser et dater une carte postale
Le dos de la carte
Un arrêté du 18 novembre 1903 autorise l'adresse sur la partie droite et la correspondance à gauche. Donc si le dos de la carte n'est pas divisé nous sommes en présence d'une carte éditée avant décembre 1903, s'il est divisé en deux parties, la carte est postérieure à décembre 1903.
L'illustration
Avant 1897 : très peu de cartes illustrées.
Vers 1900 : l'image n'occupe qu'une infime partie de la carte.
1903-1904 : elle prend possession de toute la place, pour ne garder qu'une toute petite marge sur le pourtour.
Ensuite la photo est en pleine page et n'évolue pratiquement pas durant 20 ou 30 ans.
A partir des années 1930, la qualité de la carte ainsi que les sujets sont souvent de factures inférieures mais ils restent les témoins d'une époque.
En 1950 on abandonne le format 9 X 14 pour passer à celui des cartes modernes 10,5 X 15.
Sortie de tirages photographiques noir et blanc, très souvent à bords dentelés.
La carte postale ancienne est en noir et blanc. Les cartes anciennes en couleur sont des cartes coloriées par l’éditeur pendant l’élaboration.
La carte noir et blanc peut être transformée en monochrome, la photo noir et blanc est développée en sépia, en bleu ou en vert.
En 1960, sortie des tirages en couleur en quadrichromie.
Le support
Le type de support peut renseigner sur la date de fabrication, par exemple les dos verts, le carton crème, le carton à bord dentelé.
De 1870 à 1889, les précurseurs sont des cartes non illustrées.
Les cartes pionnières ont un dos à trois lignes réservé à l’adresse, la correspondance doit se faire du coté de la photo.
De 1904 à 1908, la correspondance est progressivement autorisée au dos de la carte. Avant 1910, les éditeurs utilisent du papier de chiffon bien blanc. Après 1910, et surtout vers 1914, les éditeurs utilisent du papiers au bois, granuleux et le dos est vert.
Le timbre et le cachet
L’évolution du tarif d’affranchissement permet de remonter à la période de circulation d’une carte, car parfois le cachet manque ou est illisible.
Le cachet lui-même est important car il a quasiment valeur de preuve. Il indique le bureau postal, le département, la date et l’heure de levée. L’administration des Postes, par égard pur ses clients, appose aussi un cachet à l’arrivée, sur le même principe mais avec un cercle tireté.
Année Tarif normal (5 mots sans correspondance)
1898 10 cts
1899 10 cts 5 cts
1909 10 cts 5 cts
1917 15 cts 10 cts 5 cts
1920 20 cts 15 cts 5 cts
Vignettes
Mouchon : allégorie Droits de l’homme, entre 1900 et 1901
Blanc : entre 1900 et 1924
Semeuse lignée : entre 1903 et 1939
Semeuse camée : de 1906 à 1939
Sources
Albert Thinlot 1914/1992, cartophile reconnu, co-auteur avec Paul Noël Armand 1921/1989, Historique de la carte postale illustrée française, 1987, et du Dictionnaire de la cartophilie Francophone, 1990.
James Eveillard, Histoire de la carte postale et la Bretagne, Ed. Ouest- France, 1999.
L'Age d'or de la carte postale, Balland, 1966 et 1975.
Albert Monnier, La carte postale, éd. LPAM, 1980.
Gérard Neudin et Serge Zeyons, Les cartes postales, Hachette, 1979.
Date de dernière mise à jour : 07/03/2017